Dimanche 1er juin, 16H00 - Eglise d’Asquins

Sextuor à cordes

BOCCHERINI, Sextuor en Fa mineur, op. 23 n°4

Pour un très large public, son nom n’évoque guère qu’un fameux menuet, un morceau qui, pour avoir été repris dans nombre d’anthologies, figure en bonne place au « hit parade » de la musique classique. Pour l’amateur éclairé, ce compositeur passe surtout pour avoir été le grand promoteur du quintette à cordes, un genre auquel il a donné la bagatelle de cent-vingt-cinq œuvres. Mais au fond on connaît très mal ce musicien qui, pourtant, fut à son époque — après Mozart et Haydn — l’un des plus grands compositeurs de musique instrumentale, et tout particulièrement de musique de chambre.

Né à Lucques, et mort à Madrid, il fut d’abord l’élève de son père qui était contrebassiste et, après avoir poursuivi ses études à Rome, il s’imposa très tôt comme violoncelliste virtuose. Entre sa quatorzième et sa vingt-et-unième années, il fit trois séjours prolongés à Vienne, et c’est au cours de cette période qu’il écrivit ses premières œuvres (trios et quatuors à cordes). Puis ce seront de brillantes tournées de concerts, qui le conduiront notamment à Paris où il se produira au Concert Spirituel et où il fera paraître les premières éditions de ses œuvres. Bénéficiant désormais d’une immense notoriété, il se voit proposer en 1769 de se rendre à la cour de Madrid et s’y établit comme musicien de chambre de l’infant Don Luis. Il restera attaché à celui-ci jusqu’à sa disparition en 1785, le suivant même à Avila lorsque Don Luis, à partir de 1776, se verra contraint de « s’exiler » au palais de Las Arenas. De 1786 à 1797, il aura un nouveau protecteur en la personne du roi Frédéric-Guillaume II qui le nomme compositeur de la cour de Prusse, une charge qui se limite en fait à l’envoi de nouvelles œuvres et dont le musicien, dorénavant fixé à Madrid, s’acquittera à distance mais avec une belle générosité. Cependant, dès cette époque, sa notoriété commence à décliner sérieusement. En 1800-1801, il bénéficiera d’un ultime soutien en la personne du frère de Napoléon, Lucien Bonaparte, alors ambassadeur de France à Madrid, mais ce ne sera qu’une brève embellie dans une existence devenue de plus en plus obscure, qui allait d’ailleurs s’achever dans la misère.

Compositeur extrêmement fécond, Boccherini s’est surtout consacré à la musique de chambre, et c’est à elle qu’il a donné le meilleur de sa production. On pense ici, en premier, à ses nombreux quintettes avec deux violoncelles, et presque autant à son vaste catalogue de quatuors à cordes, un genre auquel il donna lui aussi ses lettres de noblesse, parallèlement à Haydn qu’il admirait profondément et qui, semble-t-il, le lui rendait bien. On a d’ailleurs remarqué une certaine parenté de style entre les deux musiciens, au point de dire que Boccherini serait « la femme de Haydn ». Ce qui est sûr, c’est que, par sa vivacité, son éclat, la fraîcheur de son invention mélodique et ses qualités rythmiques, cette musique ne pouvait que justifier l’estime de Haydn et susciter l’adhésion du public.



Tchaïkovski, Souvenir de Florence

" Comme Florence est une ville chère à mon cœur. Plus vous y habitez et plus vous vous y attachez. Elle n'est pas une capitale bruyante dans laquelle vos yeux ne savent plus où se poser et qui vous épuise par son agitation. En même temps, il y a tant de choses d'intérêt artistique et historique qu'il n'y a aucune chance de s'y ennuyer. "

Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) met les pieds à Florence pour la première fois en 1878, grâce à la générosité de madame von Meck, à qui il transmet ses impressions au jour le jour. D'emblée, il est séduit par les musées, les églises, les galeries d'art, mais les apprivoise en douceur, avec une certaine tendresse. Il s'y promène en début de matinée pour mieux retrouver sa table de travail vers onze heures. " Je ne puis commencer à vous dire combien glorieuse est la paix parfaite des soirées, quand tout ce que vous pouvez entendre est l'écho lointain des eaux de l'Arno se bousculant ou coulant doucement en pente. On ne pourrait imaginer un lieu plus confortable ou plus propice au travail. "

Jamais Tchaïkovski n'oubliera Florence et au début 1890, après le triomphe de la création de La Belle au bois dormant, il retrouve sa " ville de rêve ". Il y compose la plus grande partie de La dame de Pique et amorce son Sextuor à cordes, partition promise quatre ans auparavant au président de la Société impériale de musique de chambre de Saint-Pétersbourg. Après avoir conçu son opéra dans l'urgence, Tchaïkovski avance avec difficulté. Il écrit au pianiste Alexandre Siloti en juin 1890 : " J'ai tout le temps l'impression de ne pas avoir six voix, mais d'écrire pour orchestre dans une transcription pour six instruments. " À son frère, il précise : " Il faut six voix indépendantes et homogènes. C'est incroyablement difficile ! "

Une première audition privée a lieu à Moscou en novembre 1891, à laquelle assistent Alexandre Glazounov et Anatoli Liadov , qui émettent quelques réserves envers les deux derniers mouvements du sextuor. Avec conviction, Tchaïkovski s'attèle aux révisions. Enfin satisfait du résultat, il confie sa partition à son éditeur en juin et, six mois plus tard, l'œuvre est créée sous sa forme définitive à Saint-Pétersbourg.

Entre quatuor et symphonie pour cordes (ce qui justifie sans peine le choix de présenter la pièce en version augmentée, comme ici dans une transcription orchestrale de Yuli Turovsky), Souvenir de Florence baigne dans une contagieuse joie de vivre, malgré sa tonalité mineure. Dans une lettre datée de 1892, Tchaïkovski évoque en ces termes l'œuvre : " Le premier mouvement doit être joué avec beaucoup de passion et d'entrain, le second chantant et le troisième facétieux; le quatrième, gai et décidé. "

Le premier mouvement, un rondo sur un rythme de valse, semble puiser son inspiration dans diverses chansons populaires. Le deuxième s'ouvre par un choral qui s'efface devant un thème qu'on croirait tiré de l'univers shakespearien qui a inspiré nombre de pages parmi les plus réussies du compositeur. L'Allegro moderato transmet ensuite admirablement un spleen associé à l'âme russe, les cordes allant jusqu'à imiter le son des balalaïkas. Le finale comprend un fugato dont Tchaïkovski se voulait particulièrement fier.