Vendredi 30 mai, 18H - Fontenay-près-Vézelay
TRIO BILITis
Boccherini: Trio à cordes en Sol Majeur, op. 34 n° 2
Pour un très large public, son nom n’évoque guère qu’un fameux menuet, un morceau qui, pour avoir été repris dans nombre d’anthologies, figure en bonne place au « hit parade » de la musique classique. Pour l’amateur éclairé, ce compositeur passe surtout pour avoir été le grand promoteur du quintette à cordes, un genre auquel il a donné la bagatelle de cent-vingt-cinq œuvres. Mais au fond on connaît très mal ce musicien qui, pourtant, fut à son époque — après Mozart et Haydn — l’un des plus grands compositeurs de musique instrumentale, et tout particulièrement de musique de chambre.
Né à Lucques, et mort à Madrid, il fut d’abord l’élève de son père qui était contrebassiste et, après avoir poursuivi ses études à Rome, il s’imposa très tôt comme violoncelliste virtuose. Entre sa quatorzième et sa vingt-et-unième années, il fit trois séjours prolongés à Vienne, et c’est au cours de cette période qu’il écrivit ses premières œuvres (trios et quatuors à cordes). Puis ce seront de brillantes tournées de concerts, qui le conduiront notamment à Paris où il se produira au Concert Spirituel et où il fera paraître les premières éditions de ses œuvres. Bénéficiant désormais d’une immense notoriété, il se voit proposer en 1769 de se rendre à la cour de Madrid et s’y établit comme musicien de chambre de l’infant Don Luis. Il restera attaché à celui-ci jusqu’à sa disparition en 1785, le suivant même à Avila lorsque Don Luis, à partir de 1776, se verra contraint de « s’exiler » au palais de Las Arenas. De 1786 à 1797, il aura un nouveau protecteur en la personne du roi Frédéric-Guillaume II qui le nomme compositeur de la cour de Prusse, une charge qui se limite en fait à l’envoi de nouvelles œuvres et dont le musicien, dorénavant fixé à Madrid, s’acquittera à distance mais avec une belle générosité. Cependant, dès cette époque, sa notoriété commence à décliner sérieusement. En 1800-1801, il bénéficiera d’un ultime soutien en la personne du frère de Napoléon, Lucien Bonaparte, alors ambassadeur de France à Madrid, mais ce ne sera qu’une brève embellie dans une existence devenue de plus en plus obscure, qui allait d’ailleurs s’achever dans la misère.
Compositeur extrêmement fécond, Boccherini s’est surtout consacré à la musique de chambre, et c’est à elle qu’il a donné le meilleur de sa production. On pense ici, en premier, à ses nombreux quintettes avec deux violoncelles, et presque autant à son vaste catalogue de quatuors à cordes, un genre auquel il donna lui aussi ses lettres de noblesse, parallèlement à Haydn qu’il admirait profondément et qui, semble-t-il, le lui rendait bien. On a d’ailleurs remarqué une certaine parenté de style entre les deux musiciens, au point de dire que Boccherini serait « la femme de Haydn ». Ce qui est sûr, c’est que, par sa vivacité, son éclat, la fraîcheur de son invention mélodique et ses qualités rythmiques, cette musique ne pouvait que justifier l’estime de Haydn et susciter l’adhésion du public.
JEAN CRAS: Trio a cordes
Moins favorisé que le quatuor à cordes, le trio à cordes exige pourtant un semblable métier, de par son homogénéité de timbres et ses contraintes harmoniques. Jean Cras semble conscient du défi : « Je voudrais faire rendre aux trois instruments leur maximum pour donner l’impression de plénitude, difficile à obtenir avec trois archets. Mais en adaptant l’écriture aux ressources des trois instruments, on peut augmenter considérablement l’effet produit, et c’est très intéressant de bâtir quelque chose avec peu de moyens. » Son Trio, composé du 14 mars au 14 juin 1926, à bord du croiseur Lamotte-Picquet amarré à Lorient, est créé le 8 avril 1927 à Paris, salle Érard, par ses dédicataires Carmen Forté (violon), Pierre Brun (alto) et Louis Fournier (violoncelle). Dans son ensemble, il donne une sensation de spontanéité, notamment dans les mouvements rapides. La diversité des couleurs provient de la richesse modale : on songera notamment au pentatonisme et au mode lydien du premier allegro, à la polymodalité de la deuxième section du mouvement lent. Comme dans de nombreuses œuvres de Cras, les rythmes dansants et la stylisation de timbres populaires (quintes à vide, mélismes et jeu sans vibrato au début du mouvement lent qui rappelle le son de quelque vièle) se conjuguent à l’exploitation des ressources du contrepoint (les entrées fuguées du finale en style de gigue). On y entend aussi un bel équilibre entre les climats, la plainte aux couleurs archaïsantes du Lent apportant un contraste bienvenu avec la vivifiante tonicité des morceaux rapides.